Bonjour à tous peuple rampant !
et oui on ne me voit pas souvent sur la liste du groupe spèl’… et pour cause je fais peu de spèl’… et je n’ai donc pas de combard de spèl… ni vraiment de gants de spèl, d’ailleurs… quand à un baudrier de spèl… non plus… bottes de spèl, ben… non !
Alors autant vous dire que quand Jérémy et Jonathan m’embringuent, le vendredi soir après deux pintes aux Copains d’Abord, pour une “traversée dé-mente de la Dent de Crolles” dès le lendemain à 8h00, je suis sur-motivé mais je sais déjà que je vais avoir l’air d’un con le lendemain.
Petite fouille mentale du placard à matos entre la deuxième et la troisième pinte : j’ai toute la quincaillerie, un Rig de travaux accro ou un Grigri feront un bon descendeur, le grigri est plus light, le reste ressemble à du matos de spèl’ en bonne et due forme. Un vieux baudard de grimpe au pontet élimé (mon tout premier, acheté avec mes sous, snif) fera l’affaire. Jo me prête un casque avec éclairage, Jérémy me prête sa sous-combi (ce qui s’avèrera n’être en fait qu’un subterfuge fallacieux pour me revendre à prix d’or ladite sous-combi trop petite pour lui, le fourbe !!) La troisième pinte fouette mon enthousiasme sur le fait qu’un pantalon de rando costaud et une vieille goretex me protègeront d’un suintement de glaise à même la peau. Pour les chaussures : des demie-grosses d’alpi.
Ainsi donc le lendemain, à l’entrée du Trou du Glaz en face grossièrement Nord-Ouest de la dent de Crolles se présentent trois spéléos et un être hybride alpiniste/spéléo/clochard : Cécile, Jérémy, Jonathan et Sylvain-Lio’.
Avant cela il aura fallu arriver à talonner Cécile, chargée d’un kit et armée d’une Pom’pote à la main gauche (ne ja-mais la mettre en tête de la marche, sous peine de remettre toutes vos facultés physiques en question, s’ensuivent irritabilité, syndromes dépressifs,…) Nonchalamment Jo arrive à suivre en papotant (put*** y’a vraiment aucune justice avec les fumeurs !!) et Jérémy et moi suons nos pintes de la veille, dans le brouillard qui nimbait alors notre emblématique sommet grenoblois d’une aura de mystère gothique.
Encore avant cela, au parking étonnamment désert, le petit grimpeur que je suis avait apporté une connaissance révolutionnaire à la tribu de spéléo qui m’accueillait : s’il manque de la place dans les kits pour la marche d’approche, il est possible d’adopter une solution de rangement des cordes qui permet de les poser en équilibre au sommet de leur sacs, enfin, de leurs kits. C’est une technique que la tribu des alpinistes, par exemple, utilise beaucoup : par un subtil jeu d’enchevêtrement de boucles de corde de tailles équivalentes les unes aux autres, il est possible de ranger la corde en question en un faisceau régulier et stable facilement transportable : on appelle ça lover une corde, et nos petits spéléo qui jusqu’alors bourraient la corde en question sans ménagement au fond des kits avec un nœud à chaque bout comme on farcirait la dinde de Noël, reconnurent que, oui, cela était pratique. Néanmoins à l’entrée du trou, une fois les kits vidés de la quincaillerie et des combis, nos spéléos furent pris d’une frénésie bourratoire après avoir fait un nœud à chaque bout des cordes ! …on a donc mis nos dindes de Noël sur le dos et on est parti pour la traversée Glaz-Annette.
Belle traversée variée et accessible, très peu de remontée sur corde (7m max), parfaitement balisée par réflecteurs blanc/flèche verte marquée “Annette”. Difficile de se perdre, attention néanmoins au bas de la diaclase Annette, ne pas suivre la galerie la plus évidente et prendre le temps de trouver le balisage (qui est en fait derrière soi quand on arrive en bas).
Nous n’avons équipé que le Puits de la Lanterne (divisé en P10, P12, P13) en descente rappelable (nœud patate en butée sur maillon des tête de puits chaînées en place).
Après ça, toutes les cordes sont en place et en bon état, le tout sur scellements inox en très bon état. Attention néanmoins, les cordes sont prévues pour être descendues, mais pas remontées (nombreux gros frottements).
De fait on a donc explosé l’horaire : TPST 3h45 ! à 4, sans courir ni traîner, en prenant le temps d’apprécier la charcuterie corse rapportée par Jérèm’ (une tuerie !!)
Petite précision néanmoins : en fait ça déroule grave jusqu’à… 20m de la fin ! on arrive alors dans deux trémies, une qui a été creusée pour descendre sous une voûte, et une autre qui remonte jusqu’au tunnel final qui débouche au pied de la face Sud-Est de la Dent. A la première on se dit que les gars qui ont excavé une telle quantité de cailloux sont vraiment des mutants, et qu’ils ont du y passer un temps certain. Mais c’est joli et bien fait, on fait attention à ne pas faire tomber de caillou dans le passage sous la voûte.
Puis arrive la seconde trémie (alors en fait une “trémie” c’est un terme qu’utilise les spéléos pour faire croire qu’ils pratiquent une activité hors du commun échappant aux lois d’une logique bassement terrestre. Dans les faits, on pourrait tout de même appeler ça un pierrier, un éboulis, voire même, mais là c’est peut-être insulter les spéléos, un “pôv’ tas de cailloux”).
La seconde trémie donc : après avoir compris que le trou était au dessus de nos têtes, vertical et étroit et qu’il faudrait hisser le kit après être passé soi-même, on est surpris de voir un morceau de glissière à la base du trou, contre la paroi. On ne doit pas être loin de la fin ! effectivement il retient quelques cailloux, et ça fait une bonne marche pour les pieds. Recroquevillage, faufilage, on entre dans le trou et là on lève la tête, et là c’est la première impression inédite dans votre vie : il y a pile au dessus de votre tête un enchevêtrement de poutrelles métalliques agencées sans aucune logique, qui offriraient de bonnes prises pour s’extirper du trou mais sur laquelle un instinct de survie venu du tréfonds des âges vous intime de ne surtout pas tirer. De ne pas les toucher d’ailleurs. Puis d’ailleurs si vous pouvez ne pas éternuer à ce moment là ce serait mieux.
Humilité, fébrilité, on continue à se faufiler en remontant dans le trou, puis le faisceau de lumière de la lampe s’élargit, les épaules ne touchent plus les parois, les coudes viennent amorcer ce mouvement qui vous sortira hors du trou. Par réflexe on balaie ce nouvel espace de notre frontale, et là deuxième sensation inédite dans votre vie : en fait vous êtes une insignifiante et toute petite fourmi que l’on aurait lâché sur un trottoir de Manhattan à l’heure de la sortie des bureaux. Il y a au dessus de vous des choses bien plus grandes que vous qui pourraient vous anéantir en une seconde : vous êtes vulnérables. Et bien à la sortie par le trou d’Annette vous êtes vulnérables ! Parce qu’au dessus de vous, des spéléos dont la détermination confine à l’autisme ont stabilisé des dizaines de mètres cubes de pierres avec de la glissière d’autoroute. Une sorte de pyramide d’Egypte à l’envers sur trois étages qui ne demande qu’à s’écouler dans l’entonnoir par lequel vous êtes arrivé ! La sortie est 15 mètres plus loin, au pied de la face de la Dent de Crolles où il fait bon garder son casque.
Le chemin de retour traverse les strates marno-calcaires (oui ça c’est Jo qui le dit) avec des cordes fixes pour se rassurer, gare tout de même à quelques tonches, on ne peut pas dire que la corde soit irréprochable. Retour en une grosse demie-heure en contournant le Pilier Sud et en retrouvant le Pré-Qui-Tue. En compagnie d’une belle harde de chamois pour nous !
Allez à bientôt, maintenant au moins j’ai une sous-combi !!
Sylvain-Lio’