Aller-retour au fond du gouffre Berger (-1122 m !)


Cette année, 5 membres du GUCEM se réunissent autour de l’objectif de retourner au gouffre Berger en visant le fond à -1122 m : Sylvain, William, Noémie, Gervais et moi (Arya).

Notre créneau tombe le week-end du 23-24 juillet. On monte dès le vendredi soir pour bivouaquer au camp Berger 2022, à Autrans. C’est l’occasion de recroiser un spéléo avec lequel on était par hasard à Malaterre le week-end précédent. On écoute le briefing: une corde tonchée (au bout de 2 jours de camp!) a été changée, il devrait y avoir quelques petits orages pas très méchants, le feu est vert ! Nous retournons à nos tentes pour manger et discuter de notre horaire de départ. On va tenter de partir tôt car il y a beaucoup de monde pour le Berger ce week-end alors autant éviter les embouteillages… Comme d’habitude, Noémie agrémente notre repas de sa graaande quantité de nourriture et boisson amenée. Gervais reste fidèle à sa crème de marron. William nous rejoint plus tardivement après une semaine de parapente et un tour au bar, encore plein d’adrénaline. L’équipe est au complet !

On est bien installés au camp Berger 2022 ! (photo: Noémie)

Derniers préparatifs du matos perso et commun, et au dodo tôt car réveil 5h le lendemain. Il fait chaud malgré l’altitude pour dormir, mais des petites pluies d’orage viennent nous rafraîchir. 

Il est déjà 5h, vite, au petit-dej ! Bon, le décollage à 5h30 est un peu optimiste, mais on y est presque, en voiture pour la Molière ! Nous voilà donc à 6h15 au parking de la Molière, blindé de monde monté dormir en hauteur, on est chaud bouillant pour garder notre avance sur le prochains groupes ! Et là Gervais: “euh, elles sont où mes bottes ?? Meeeerde !”. Inspection de la voiture, il faut retourner les chercher à Autrans. Sylvain et Gervais retournent au camp, tandis que William, Noémie et moi commençons l’approche et le début de la cavité jusqu’à ce qu’ils nous rejoignent, au maximum jusqu’à la salle des Treize.

L’orage arrive ! (photo: William)

Nous traversons le plateau de la Molière avec les derniers rayons de lever de soleil, puis nous marchons sous la pluie. Les 50 min d’approche paraissent d’un coup un peu plus longues, car c’est de la vraie pluie qui mouille en fait. On se demande s’il est toujours raisonnable de tenter le fond aquatique du Berger, au cas où des précipitations plus importantes que prévues provoquent une crue. Nous trouvons l’entrée du gouffre sans se perdre (d’autres n’en diront pas autant), où une équipe de Strasbourgeois finit de s’équiper. Nous faisons de même en essayant de rester à l’abri de la bâche, et c’est vers 7h40 que nous rentrons sous terre.

Début de l’excursion, on prend le temps de poser au puits du Cairn. (photo: Noémie)

C’est parti pour les puits et les méandres, c’est déjà bien classe les grands puits, et on peut profiter d’être seuls pour descendre sur les cordes de descente et de montée. Une fois cette verticalité passée on s’engage dans la grande galerie, et c’est au lac Cadoux vers 9h15 que Sylvain et Gervais + ses bottes nous rejoignent. Ils ont fini l’approche de façon un peu hasardeuse, ont doublé un groupe et ont fumé les cordes pour nous rattraper. On est rassurés de savoir que la pluie a laissé place à du ciel bleu avant qu’ils entrent sous terre, alors on maintient l’objectif du fond. On continue à marcher dans les chaos de blocs, ce qui nous donne bien chaud. On est récompensé par l’arrivée à la belle salle des Treize à 9h50. Ce serait encore plus beau avec de l’eau dans les gours mais c’était prévisible avec la sécheresse. 

Quarante minutes plus tard, nous voilà au Vestiaire, où l’on passe devant les Strasbourgeois mettant des néop. Fini la rigolade, on est à -640m, et c’est là que commence la partie la plus engagée de la sortie !

Nous (re)découvrons avec grand plaisir les Coufinades ré-équipées. Beaucoup de belles concrétions, de l’eau turquoise en bas, une main courante beaucoup moins fatigante qu’avant, que demander de plus ! Vient ensuite le réseau des cascades, sympathique aussi.

Exemple de concrétion aux Coufinades. (photo: Noémie)

La partie aquatique que l’on vient de passer contraste avec le Grand Canyon, qui malgré son nom, est une partie assez sèche de la cavité. Au début de celui-ci s’impose une rapide pause repas, il est 12h10 et le petit-déjeuner est déjà loin. On est trop content d’être là et on se sent en pleine forme. A 12h50 on est paré pour descendre le “canyon”, qui est boueux et glissant dans de l’éboulis ou de la roche lisse, dans une salle gigantesque, avec une petite rivière en contrebas rive gauche.

Pause midi au début du Grand Canyon. (photo: Noémie)

Cela mène à une nouvelle partie aquatique, avec de belles cascades. Je commence à trépigner, car lors de ma 1ère excursion au Berger j’avais été bluffée par le puits de l’Ouragan, que les zamis ne connaissent pas encore, et on ne devrait pas tarder à y arriver !! Et effectivement, on débouche sur ce puits grandiose: on commence par une main courante à gauche, plein gaz dans un surplomb, dans une salle immense, et à droite, une belle cascade déboule à plein débit. On se sent minuscule, cette chute d’eau fait un bruit sourd et ses embruns empêchent de voir le fond du puits, la corde s’y perd, c’est dément !! Tout le monde confirme que c’est le plus incroyable puits de la cavité, il est 14h pétantes, et POP POP POP, être en bas de ce puits Ouragan ça veut dire qu’ON EST A -1000 !!!

Une des cascades en s’approchant du fond de la cavité. (photo: Noémie)

On se dirige dans la bonne humeur vers le fond, il est proche maintenant. On rejoint l’actif, il n’y a pas de main courante alors on fait ce qu’on peut pour se mouiller le moins possible. On croise un binôme qui ne pensait pas faire le fond et finalement en revient, il nous prévient qu’il faut se mouiller au moins jusqu’à la taille pour aller au siphon. Arf, il faut quand même aller le voir au moins une fois ce siphon, et puis, ça ne sera pas très grave d’être mouillés puisqu’on va tracer à la montée (LOOOOL !) ! Ça me fait réaliser que deux ans auparavant je n’étais pas allée tout à fait au fond puisqu’on n’était pas allés dans l’eau. Cette fois on y va pour de vrai ! Les Strasbourgeois nous rejoignent tels des poissons dans l’eau, tandis que nous essayons de limiter la trempette sur les côtés de la rivière. 14h30, la rivière s’élargit pour donner un espèce de lac où il faudrait totalement nager, avec quelques cordes suspendues hors de portée au loin, ON EST AU FOND ! Petite séance photo, bien trempés mais heureux. 

On est à -1122m 😀 ! (photo: un Strasbourgeois)

Siphon ou pseudo-siphon ?? (photo: William)

Hop, on ne traine pas car l’aventure est loin d’être finie, il faut remonter tout ce que l’on a descendu et ne pas trop se refroidir. Un plouf pour Gervais aussi, qui avait réussi à rester à peu près sec à l’aller. On est de retour à la base de l’Ouragan.

C’est là que les péripéties commencent ! Beaucoup de monde arrive pour descendre le puits. On en laisse descendre (le règlement disait: priorité à la remontée, sauf à l’Ouragan), mais si on laisse tout le monde passer on va attendre des heures (et de toutes façons les gens croisés à qui j’ai parlé de priorité à l’Ouragan n’étaient pas au courant). Gervais commence à remonter lors d’une accalmie. Nous discutons avec un Lyonnais tandis que Noémie se prépare à remonter aussi. Un signal est censé nous dire si on peut monter (un coup de sifflet) où si le reste du groupe descend (deux coups de sifflets, ou l’inverse, on ne sait plus !). Bien sûr la tactique foire, alors Gervais et Noémie montent alors que les autres descendent, ce qui fait une attente et un croisement malcommode sur la main courante. On se refroidit bien en bas, heureusement qu’on a des ponchos. Le premier groupe finit de descendre, alors je m’approche du puits pour tenter le créneau libre. En bas de la corde je me rends compte qu’on ne voit absolument pas si des gens descendent depuis la main courante ou pas. Je monte et dois ensuite croiser pleins de personnes sur cette main courante et ces frac, un vrai bonheur. Sylvain me suit pas loin, Will est resté en bas. Des Espagnols me font comprendre que Gervais et Noémie nous attendront au bivouac où l’on a mangé. OUF, on est enfin sortis de ce puits Sylvain et moi, on s’est bien refroidis. On marche et on monte le plus vite possible, un peu comme des robots déjà. En approchant d’une verticale, j’aperçois un photon de lumière en haut du puits, alors je me jette sur la corde pour commencer à monter avant de croiser ce nouveau groupe. A cette tête de puits on me demande en anglais combien on est, et on me supplie “we have to go down, we are so cold!”. Alors là non ! Je baragouine entre deux respirations qu’on est much more colder than you et prioritary parce qu’on est allés more down (oui, l’enguelade réflexe et fatiguée en anglais n’est pas magnifique linguistiquement parlant, mais tant que ça marche !). Bref, on remonte, on remonte. 

Ca y est, on retrouve Gervais et Noémie au bivouac en haut du Grand Canyon, -720 m. Frigorifiés, ils ont allumé les bougies sous le poncho. On se joint à eux avec ponchos, thé et nourriture. William nous rejoint quelques minutes plus tard, pas très bien à cause du refroidissement prolongé à la base de l’Ouragan. On se dit qu’on est contents d’être allés voir le siphon, mais qu’on ne le referait pas ! C’est dur de se réchauffer et de se motiver à repartir dans le froid. Le temps et la forme ont bien filé avec cet imprévu, on repart du bivouac à 19h30 !!

Les fameuses concrétions dont on ne doit pas prononcer le nom. (photo: Noémie)

Bizarrement les espèces de tyroliennes du réseau des cascades sont beaucoup plus galère à remonter qu’à descendre, encore plus quand on n’est pas expert de la poulie-sur-longe-crollée-sur-le-guidé+poignée-sur-l’autre-corde (ou PSLCSG + PAC bien entendu).

Petit point tous ensemble, Gervais et Noémie partent plus vite devant, tandis que Will, Sylvain et moi continuons à notre rythme. Je ne me souvenais pas qu’il y avait autant de marche crapahutage, c’est long ! Je préfère 1000 fois les remontées sur corde aux rochers glissants, chacun son truc… Je ne suis pas ravie de repasser le méandre, mais bon il faut bien ressortir. Youpi, ensuite ce sont des puits verticaux (bonheur partagé, bien sûr). 

A l’aller, en approchant de la salle des Treize. (photo: Noémie)

Notre trinôme sort sur les coups de 2h-2h30 du matin, enfin dehors ! Une impression de déjà vu avec Noémie et Gervais sous le poncho à la bougie. On l’a fait, on est trop fiers de nous. Les Alsaciens sont là aussi.

On se réhydrate, on se change, on mange, on papote, Gervais se transforme en glaçon et on se remotive à marcher 50 min chercher la voiture. A randonner à 3h du mat’ avec nos tenues et sac bizarres (surtout Nono qui garde son poncho spéléo argenté un bon moment), on se demande bien ce qu’on fait là. Retour voiture, retour au camp à Autrans, dodo sous tente à 5h (sauf pour Will bien déterminé à retrouver un vrai lit), aaaah punaise le soleil cogne à 7h30 ! On ne sait même pas si on a vraiment faim ou pas, mais on petit-déjeune après notre tour de cadran tandis que le camp doit déménager (pauvres bénévoles). On remercie ce cher Rémy Limagne qui passe au camp.

On se redirige vers la chaleur Grenobloise pour des siestes bien méritées. On apprendra plus tard que l’on aura été au pseudo-siphon, et toujours pas le vrai, pour lequel il faut traverser le lac à la nage. Peu importe, on n’avait jamais été aussi loin au Berger, et cela nous laisse sur un petit nuage duquel on a du mal à redescendre (de toute façon nos muscles sont momentanément peu fonctionnels pour bouger). 

Un grand merci à l’équipe et aux organisateurs ! 

Épilogue : chaque personne croisée entre le camp Berger et le fond de la cavité aurait dit à Gervais : “aaah, c’est toi le gars qui avait oublié ses bottes !?”.

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