Golet du Tambourin 3


Vendredi, je pose mon jour. Mais pas pour n’importe quoi, hein ! Pour me mettre au frais au golet du Tambourin en ces temps caniculaires.
Tambourin : -400m, rivières, méandres à tout va, et donc un immense puits de 200m.

On prévoit un bivouac au col de l’alpe, histoire de dormir au frais et de s’extraire de la torpeur grenobloise. Mais deux imprévus viennent assombrir nos projets : un secours en cours au gouffre Berger, mettant deux de nos camarades en préalerte, et la météo qui se dégrade pour jeudi soir. On opte donc pour le réveil matinal dans la torpeur grenobloise.

Marche d’approche

Toute l’équipe (c’est à dire Manu, Charlie, Théophile, Océane, Baptiste, Thomas, Romain et moi) finit par se retrouver à 7h sur le parking de pré Orcel pour préparer le matériel : cordes, spits, AN, AS, kits. On se charge ensuite pour une bonne heure et demie de marche d’approche jusqu’au golet. Sur notre route des pics noirs, un chamois et une marmotte viennent embellir le paysage qui s’en sortait fort bien tout seul, sous un ciel bleu nous faisant oublier l’orage prévu le soir même. On se prépare : bottes, chaussettes néoprènes, combinaison, baudard, croll, basic, pantin, pédale, descendeur, casque, frontale, frontale de secours… Je suis parée à tout ! 

Préparation des kits

TT – il manque Gros Minet (Théophile et Thomas)

Un souffle frais sort de l’entrée. Les premiers à équiper s’engouffrent, nous attendons tranquillement dehors. Pas longtemps, d’ailleurs : Charlie ressort la tête du trou pour demander où est la trousse à matos… Après une petite demie-heure, on s’engage à notre tour dans le méandre d’entrée pour attendre, mais dans le froid cette fois. J’enfile ma capuche et mes gants. On descend ensuite une première succession de petits puits (12+6+7) qui nous amènent dans une première salle disposant d’une belle hauteur sous plafond. 

Manu (si si)

Baptiste

On passe quelques tunnels et on enchaine sur deux verticales un peu plus longues (48+12) avant de rejoindre la rivière Veillard, et ses 300m de méandre, que l’on passe en oppo’ pour ne pas se mouiller les pieds. Je fini quand même par mettre de l’eau dans une botte, et par maudire ces progressions (qui ont remplacé les étroitures et les rampings tout en bas de l’échelle de ce que j’aime en spéléo), et sentir mes dents claquer au fur et à mesure que l’on se rapproche du puits Bachetta. J’étais au bord de la congélation en attendant l’équipement du fameux puits, au pied d’une cascade, en me flagellant de ne pas avoir mis mes DEUX paires de chaussettes néoprène ce matin, appréhendant déjà le retour dans ces oppos, quand Thomas me tend une tasse de thé CHAUDE bienvenue. Oubliez le ski de rando, si vous voulez avoir froid c’est sous terre qu’il faut aller !

Moi, Océanne.
Enfin pour moi je suis pas sûre…

On finit enfin par faire chauffer les descendeurs, avec un frein supplémentaire tout de même : demi clef ou demi jambe, chacun sa technique pour ne pas brûler la corde. Et on retrouve un second méandre suivant la rivière de Jade, que l’on passe également en oppo’ (joie et bonheur), et je sens ma chaleur humaine s’échapper à mesure que le niveau d’eau monte dans ma botte. C’est un petit glaçon qui atteint le siphon maintenant. Pendant que je vide ma botte et ma vessie, les autres ont déjà monté le point chaud, et je me glisse dedans sans me faire prier. A 8 dans une tente, la température monte vite, et la chaleur fini par me regagner petit à petit, sans avoir recours à un tas d’homme. Manu sort son nouveau repas de spéléo : les sachets de céréales dans lesquelles il ajoute des nouilles chinoises. Effectivement, c’est bon. Sauf à la crevette et au crabe (oui, c’est contraire au cliché, mais je suis pas très fan). 

Le siphon final

Théophile, Manu, et on taira ce qu’il y avait dans la flasque. Et ce qu’il advînt…

On se pose la question du déséquipement et on le joue à chifoumi. Moi je veux juste remonter tranquillement les méandres avec un peu de soutien. J’étais pas encore très chaude… 

On commence à remonter tranquillement avec Romain et Charlie, qui me rassure et m’assure un confort à la remonté qui éloigne peu à peu mon appréhension. Finalement, quand je ne suis pas frigorifiée, ça passe crème… On arrive au pied du puits Bachetta, la salle est immense. On pourrait loger un terrain de foot dedans. En fait, vu la hauteur, ce serait plutôt un terrain de Quidditch. 

C’est pas le tout, il va falloir remonter maintenant. 130m. Dont une longueur de 60m en fil d’araigné. Romain ouvre la voie, je le suis de trop près et reste donc pendue au relais précédant la remonté de 60m pendant un bon gros quart d’heure. Du coup je me tortille dans tous les sens pour remettre correctement mon baudard. Même pour les filles, un baudard de spéléo n’est pas très confort quand il est mal enfilé. La frontale de Romain s’éloigne peu à peu jusqu’à ce que je ne puisse plus deviner ce qu’il fait. Je guette donc la corde, qui ressemble à un serpent dressé par un charmeur et se tortille dans tous les sens. Lorsqu’elle se calme, je demande hurle si la corde est libre. Je m’engage en prenant mon temps. Pendant cette longue remontée, je vois le puits tournoyer autour de moi, les frontales au fond se perdre peu à peu (j’ai tout de même le temps de remarquer le point chaud qui a été remonté). Je prends peu à peu conscience que je suis pendue au bout d’une corde avec une centaine de mètres de vide entre moi et le plancher. Du vide dessous, mais aussi autour, pas un appui possible sur la parois. Je marque le rythme. J’atteins enfin le relais. Je me vache dedans, souffle un coup et crie “LIBRE !” qu’on me fait répéter trois fois pour faire bonne mesure. Ils avaient un doute en bas. Je poursuis ma folle remontée vers le méandre cascade, la frontale de Romain se rapprochant de plus en plus. Je finis par le rattraper là où on avait laissé les sachets de thé. On boit un coup, on attend Théophile. On s’engage dans le méandre suivant. Mais je suis grave chaude maintenant !

 

Enfin… Dès que je peux feinter les oppo’, je feinte hein. Chaude mais pas fada ! Au final, on en vient facilement à bout. Arrivés au pied du dernier puits, Théophile file chercher un kit alors qu’Océane nous rejoint et que ma frontale nous quitte. C’est donc dans la pénombre de ma fidèle Tikka que je remonte doucement la pente, puis le tunnel me ramenant vers la lumière… Enfin, après 10h sous terre. Finalement, on n’a pas été tant bourrin. (Applause)

Nous nous attendions donc à nous baigner dans la lumière et la chaleur du soleil. Mais quelle ne fût pas notre déception d’apercevoir des nuages, pourtant annoncés, voiler l’astre solaire ! La chaleur tant espérée nous permet tout juste de nous balader en legging et t-shirt. On sort les vivres de courses que l’on se fait passer en attendant les autres. On se réparti enfin le matériel pour rentrer au parking où on retrouve nos voitures et surtout la bière bien planquée au frais. Le temps de tout ranger et de lever le coude (à défaut de lever le pied), l’orage éclate. On se dit au revoir avant de nous engouffrer dans nos voitures lorsqu’un épais voile de pluie s’abat sur nous.

L’orage…

Timing parfait !


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3 commentaires sur “Golet du Tambourin

  • Jean Claude Reminiac

    Formidable retour dans les souvenirs , merci. J’ai eu le plaisir et le privilège d’equiper le grand puits de 200 mètres (2 chevilles d’amarrage,3 cordes avec noeuds de pêcheur) pour sa première descente et remontée intégrale en fil d’araignée, avec Paul Courbon un amoureux des verticales le 13/09/1974. JC Reminiac moniteur a l’époque.

    • Mathoche Auteur de l’article

      Merci, ça fait plaisir de tels retour, avec un regard sur l’historique !
      Il est grandiose ce puits en tout cas ! Félicitations pour la première !

  • CHEIKH ROUHOU Marie-Paule

    Bonjour,
    C’est avec bonheur que je constate que les jeunes spéléos continuent à prendre leur pied du côté du Golet du Tambourin,
    à la rencontre de la Rivière Jacques Veillard et du Puits Jean-Pierre Bachetta.
    Je vous souhaite encore de belles découvertes et émotions sous terre, tout en vous assurant un maximum de sécurité.
    Marie-Paule, petite sœur de Jean-Pierre Bachetta, décédé en 1965 à la Tanne aux enfers, avec son ami Jacques Veillard.