Explo Fleurs Blanches 1


Petit CR subjectif et partiel, mais néanmoins complémentaire à celui de Manu, car tout n’a pas été dit sur le caractère épique de cette sortie !

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La journée, bien avant que le jour ne se lève d’ailleurs, avait commencé sous le signe de la ramance, avec un départ finalement différé de pas moins d’une heure qui nous avait vu attendre d’abord sous le crachin, puis ensuite en chien de fusil accolés au radiateur de la perm’.

Avez-vous remarqué cette observation ? Le ressenti de toute ramance est en inversement proportionnel avec le caractère matutinal de votre réveil…

Sur la route nous nous rendons compte d’une chose : nous sommes des privilégiés. Une grâce divine nous accordera aujourd’hui un privilège sans nom, dont chaque instant de cette sortie devra être dédié à s’en montrer digne : oui, aujourd’hui Manu nous prête son perfo tout neuf ! Pas une rayure, rutilant, léger, le carter immaculé et les contacts des batteries encore luisants de cette fine couche de lubrifiant laissé à l’usine. Il est bien, il est beau, il est Bos** !! Mais par contre, au vu des sept couches de cellophane, elles-même blindées par quatre couches de duct-tape que Manu me scrute, d’un œil inquisiteur, poser sur l’engin, on sent bien qu’il a les boules, le Man’ ! Va pas falloir lui crader !

 

Qui est sale?!

Qui est sale?!

Il n’y a pas de douce transition aux Fleurs Blanches, c’est dès le début que ça met dans le bain. Déjà, remercions Jupiter que le dérèglement climatique spectaculaire de cet hiver, qui aura vu des températures d’une douceur extrême, ait dérangé dans son hibernation le blaireau à dent de sabre qui, j’en suis sûr bien que ne l’ayant jamais vu, garde habituellement le terrier fangeux de cette entrée. Soit il aura migré vers des contrées plus froides, soit il aura déguerpi en glapissant un fébrile « kaï kaï » à la vue de David et Jo, pensant que la bouteille que chacun transportait dans son kit était un suppositoire visant à contrecarrer les effets dudit dérèglement climatique.

Pas de transition donc, et surtout pas pour Léandre qui a eu la malchance de tomber sur un descendeur des plus usés qui l’aura contraint à enfoncer la corde des deux mains dans l’appareil pour qu’elle coulisse. C’est un peu comme rouler avec le frein à main. Ou partir du relais sans être dévaché. Ou descendre à ski avec les peaux. On aurait pu penser que ses déboires s’arrêteraient avec un changement de descendeur pour une version moins rustique (aaahh, un Stop tout neuf au lieu d’un Rouge à filetage apparent… joie sans cesse renouvelée de la fluidité, fini les coups de reins et le gainage abdos (pourtant pas inutiles en d’autres circonstances)). Et bien non ! Ce jour là il était dit que les cordes laisseraient Léandre remonter sans soucis, mais qu’il en chierait à la descente, un point c’est tout ! Car peu après c’est dans son descendeur que se tonche irrémédiablement une des cordes. Et alors là l’effet chaussette n’a jamais aussi bien porté son nom ! Ou plutôt il faudrait l’appeler l’effet « chaussette fourrée au spaghettis », chaussette en bas, spaghettis en haut. Mais descendeur au milieu…

Pendant que Manu aide Léandre avec ses mésaventures, Hélène me met à genoux dans des circonstances dont le détail n’appartiendra qu’à elle et moi.

Les puits c’est une chose, mais il y a aussi les fameux « deux fois vingt mètre de méandre ». Nota : là aussi, comme dans le cas du concept de ramance, un vortex géologico-cérébral se produit, qui fait se rallonger les méandre à la remontée. On aurait préféré l’inverse, certes, mais ainsi sont faites les lois de la physique.

Dans les méandres une petite voix me susurre, dans chaque étroiture : « fais gaffe petit, t’as le perfo du Man’ dans le kit, bourrine pas »

Certains ont chaud à la sortie des 2 fois 20m de méandre :)

Certains ont chaud à la sortie des 2 fois 20m de méandre 🙂

Un des deux radeaux juste avant la galette

Un des deux radeaux juste avant la galette

Sortie du méandre, collecteur, carreaux de chocolats (oui,oui, nous sommes bien sous terre), radeau, bateau (là aussi, toujours sous terre vous dis-je) et là, la Fée ! Non Arnaud sois pas jaloux je t’en prie, je ne parle pas d’Émilie, mais bien du nom de la galerie où nos équipes se séparent après avoir partagé une galette des rois étonnamment bien conservée. Comme le veut la tradition c’est le plus jeune du groupe qui répartit les parts (par politesse, car l’on ne parle pas de l’âge des femmes, je ne vous donnerai que cet indice par rapport à notre cadette : elle fait environ 61kg).

Autre indice, elle est de de dos sur cette photo!

Autre indice, elle est de dos sur cette photo!

Doc et maintenant roi!

Doc et maintenant roi!

A partir de ce moment-là, je ne pourrais vous parler que des agissements de l’équipe « escalade », constitués des sur-motivés Damien et Sylvain-Lio’.

Cet escalade c’est un achèvement pour eux, de la première première pour l’un, sa première escalade pour l’autre. Depuis la veille ils ont compilé le matos, re-visualisé chaque séquence d’un enchainement d’artif’ bien fait, optimisé chaque centimètre de leurs dégaines. Ils sont bouillants. Cette nuit-là, avant de partir, ils s’étaient revus dans leur rêves, bandant chaque muscle de leur corps vers une ascension toujours plus haute, le bras virilement armé du substitut phallique du Man’ en pleine percussion, pénétrer la roche humide pour y introduire ce petit kiki de 8mm et ensuite l’enfourcher, bassin cambré, dans un râle, et sans cesse recommencer. Bouillants !

Manu nous dit « J’vous montre, c’est à deux pas ! ». On suit. Puis après une courte remontée sur corde, alors qu’on ne le voit plus il nous dit « restez où vous êtes, c’est mieux ». C’est louche. C’est là qu’on se rend compte d’une chose avec Damien : on est à 20 cm l’un de l’autre et pourtant on crie pour s’entendre. Et pour cause il y a un bruit de torrent ! Ça aussi c’est louche. Puis Manu mets du temps. Tout ça, ça fait plus que les « deux louches règlementaires et obligatoires » que ma maman me servait quand elle faisait la soupe. Je commence à y penser, à ma maman… Mais Manu redescend enfin, son dernier frac’ ponctué d’une insulte où il était, là aussi, question d’une maman, ou de sa mère… j’ai pas bien compris avec le bruit du torrent. Mais ce qu’on a bien compris c’est qu’on allait se tremper le slip le temps de remonter jusqu’au début de l’escalade.

Toute l'équipe

Une partie de l’équipe

Au départ de la Fée où l’autre équipe se prépare à partir, les copains n’ont finalement pas l’air si déçus de nous laisser le privilège de cette escalade… Les épaules en berne à la perspective d’affronter l’eau avant une longue période statique, on prend le temps avec Damien de se refaire une goulée de thé et digérer un peu notre galette. Deux minutes passent, presque moroses, puis le visage de Damien s’illumine, et il sourit à faire craqueler la boue qu’il avait sur les joues. D’un coup il s’agite, mû qu’il était par l’idée qu’il venait d’avoir. Cette idée, je ne le saurais que quelques instants plus tard, avait un nom : la Stratégie Papillote ! Et c’est alors que nous sortons nos couteaux pour faire deux trous dans des couvertures de survie, l’un pour la tête, l’autre, plus petit, pour le croll. Damien fait une version plutôt tablier et moi une version plutôt poncho.

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Alors là on est remontés à bloc ! Chaque gramme de beurre de la galette a été métabolisé, on choppe les kits, on amorce la poignée, on enclenche le pantin, on est des machines. La pensée même de l’inconfort glissera sur nous comme glisseront les gouttes de la cascade sur nos armures de survie ! Bon après faut admettre, une remontée de 40m sur corde stretch, ça va moins vite qu’une chevauchée héroïque sur un destrier de combat. C’est l’endroit ou ça mouille le plus où il faut avaler toute l’élasticité… Et le perfo a beau être léger, c’est quand même plus lourd qu’un granny.

Arrivés en haut on sait que la survie dépend de l’efficacité, tout le monde et toutes les cordes en place prêtes à servir, point de renvoi déjà installé, un jeune DE escalade fringuant et totalement hors prérogatives à l’attaque, ça traîne pas. Un point, puis deux, puis trois, ça avance ça avance. Une voix, du bas :

-Tu veux pas qu’on change ? (en fait une version polie de : j’me gèle les miches putain faut qu’je bouge)

-Je fais deux points en libre, ça s’y prête bien, puis on change !

-Pas de soucis ! (version polie de : et meeerde, putain j’me caille !)

Au final, je crois que ces deux points « en libre » ne sont pas tellement plus espacés que les points d’avant, parce que, ne l’oublions pas même si on est sous la terre, on est quand même dans le Vercors : si c’est facile, c’est péteux !

Redescendu au relais je retrouve une masse grelottante et muette sous un poncho en survie nettement amélioré d’une ceinture en cordelette + ropeman. L’ennui et l’instinct de vie pendant presque deux heures rendent inventifs. Un haut-le-cœur de froid et un snickers plus tard, changement de rôles et premier point pour Damien. Puis deux, puis trois. Une voix, du haut :

-T’es avec moi, hein, j’pars en libre !

-Yep !

-Heu…, en fait non !

-…

L’escalade se prolonge, perçage à bout de bras en haut de la corde, et soubresauts de frissons en bas de la corde. Au bout d’une heure et demie Manu remonte nous tenir au jus de l’avancée inattendue des autres et redescend. Il faudra encore une heure à essayer de viser ma bouche avec des raisins secs malgré les frissons pour entendre ces paroles qui ont sonné à mes oreilles comme la grâce accordé par un bourreau à son condamné :

-Bon j’pose deux Raumers et on se casse !

Bruits de perfo, bruits de marteau.

-Euh… les Raumers là, j’peux taper dessus tant que je veux ?

-Ah ah ah !! oui !

S’ensuivirent six minutes de martelage appuyé, voire agressif, par un Damien sûrement au summum de la confiance qu’il aurait pu accorder à un point d’ancrage. Deux, en l’occurrence.

-Et euh… le frac’ sur un goujon de 8, ça se fait ?

-Grave ! t’es large !

-Bon, bien…

Re-martelage, vissage, des fesses serrage.

Tous les deux regroupés au relais c’est la retraite la queue entre les jambes, sauve qui peut avec nos capes d’argent vers un réchaud et des litres de thé brûlant. Au dernier frac’ on comprend pourquoi Manu l’avait insulté. On fait de même d’ailleurs. Il est 20h15, les gens normaux regardent le JT.

Pour le JT on a la table basse, mais pas la télé

Pour le JT on a la table basse, mais pas la télé

A la salle au départ de la Fée, le point de ralliement, revigoré par une discussion sur les bananes séchées et quelques tasses de thé, Damien redevient sur-chaud pour rejoindre le groupe d’explo !

On sait pas où.

Et heureusement, parce qu’autrement il m’y aurait traîné le salaud ! Alors que Damien pars remplir les bouteilles d’eau, je suis au comble du bonheur de voir s’agiter dans la galerie des Spéléonautes une petite loupiotte. Puis les loupiottes de tout le groupe d’explo qui revient avec la banane, et quelques minutes plus tard, de la direction opposée, c’est la voix de Manu qui est redescendu qui arrive (oui, sa voix arrive avant lui, allez comprendre).

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Saucisson pour tout le monde !! Lorsque Manu a la bonne idée de papoter en slip avec la combard sur les chevilles, je me demande si ce n’est pas pour nous punir, Damien ou moi, d’avoir rayé le perfo. Mais apparemment pas, c’est une posture naturelle chez lui.

La remontée n’est pas pire que ça, même si l’on voit à la perte de sens de l’humour de certains que les organismes ont été mis à rude épreuve (promis Damien on reste amis). Le méandre se passe, les puits s’égrainent. Quand on arrive à la dernière grande salle, l’ordre s’est mélangé et Lonzo, que je n’avais pas vu de toute la remontée, est au bout de sa vie. T’inquiète Simon, t’es une machine dans vingt mètres on est sorti !

Vingt mètres de trop.

Forfait du Lonzo à 6m22 de la sortie. Heureusement Cécile est là pour lui prodiguer sa recette spéciale : un amalgame de dates prédigérées par des hyènes maintenues entre elles par du cérumen de tamanoir. Après que Lonzo soit sorti en bon état, elle m’a avoué avoir tenu un trail entier avec une seul portion de cette substance. C’est efficace mais ça doit bizarrement alourdir, parce que je ne sais toujours pas où elle les met, ses 61kgs !

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CR rédigé par Sylvain-Lio


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